Ce fut un beau dimanche, qui vit défiler, sous le soleil, près de 80 000 manifestantes et manifestants contre le nouveau traité européen et la politique d’austérité que le gouvernement Hollande-Ayrault a fait le choix de mettre en œuvre. Soulignons d’abord le caractère inédit de la chose : s’il y a eu sous la gauche des luttes d’ampleur (notamment les enseignants contre Allègre) c’est la première fois que se déroule une manifestation d’opposition de gauche. Ce basculement politique est évidemment dû à la crise, qui crée une nouvelle ligne de partage entre les forces qui appliquent l’austérité et celles qui la refusent. Elle réduit à peau de chagrin les quelques marges dont dispose habituellement la social-démocratie pour construire des alliances sur sa gauche. Rien de tel aujourd’hui. Les médias ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui évoquent un sérieux camouflet pour Hollande, et une démonstration de force du Front de gauche, même si la mobilisation est d’ores et déjà plus large.
Rassembler ainsi un large front politique et syndical à la gauche du PS, six mois seulement après la prise de fonctions de François Hollande, c’était une gageure et c’est un pari réussi, un point d’appui décisif pour la suite. Car ce sont bien les suites qu’il faut maintenant préparer. À commencer par les initiatives du week-end qui vient, et le meeting du 8 octobre, qui fait suite à la manifestation. Le succès du 30 septembre est un point de départ, dans une bataille au long cours contre l’austérité, qui prendra dans les semaines et les mois qui viennent des formes diverses, des mobilisations dans le secteur automobile à la journée du 9 octobre initiée par la CGT, mais aussi, il faut l’espérer, des initiatives à caractère européen. Les classes dirigeantes européennes mènent une politique globalement cohérente contre les peuples européens, malgré les spécificités nationales. C’est à cette échelle qu’il faut répondre, en coordonnant les résistances qui s’amplifient, et qui expriment des mots d’ordre semblables. Le recul du gouvernement portugais le 22 septembre est une victoire pour toutes celles et ceux qui résistent, de Madrid à Athènes en passant par Lisbonne ou Paris.
En France, les premières applications du traité se nomment loi organique et budget 2013. Il faut faire en sorte que grandisse dans la population une résistance résolue à ces choix politiques désastreux. Un front contre l’austérité s’est constitué pour contribuer au succès de la manifestation du 30 septembre, bien au-delà du seul Front de gauche. Il doit s’élargir encore, devenir un véritable front social et politique, pour poursuivre la bataille, en commençant par dénoncer le budget d’austérité, auquel il faut s’opposer par tous les moyens, y compris parlementaires. C’est la logique politique inscrite dans le refus du traité. Ce front social et politique doit être porteur du projet d’un autre gouvernement, porté par les mobilisations, pour une autre politique radicalement à gauche, qui fasse payer la crise à la finance et aux spéculateurs.
Ingrid Hayes